Les sessions se suivent, mais ne se ressemblent pas toujours. Ainsi la seule lutte étudiante digne de mention au cours de l’automne dernier n’est pas venue de la gauche étudiante traditionnelle, qui nous promettait d’être au centre de la campagne pour le salaire minimum à 15$ de l’heure. Elle a plutôt été menée par des étudiantes de troisième cycle en psychologie, qui ont fait la grève de leurs stages et internats. Moyen de pression qui s’est avéré efficace, puisqu’elles ont obtenu gain de cause à l’issue d’un débrayage ayant duré du premier au dernier jour de la session universitaire.

L’onde de cette grève ne tardera sans doute pas à secouer les étudiantes et étudiants de nombreux programmes professionnels et techniques dont les stages obligatoires demeurent sans salaire. L’association étudiante d’éducation à l’UQAM (ADEESE) a d’ailleurs déjà commencé à hausser le ton en adoptant, lors d’une assemblée générale en novembre dernier, une campagne en faveur de la rémunération de tous les stages, quels que soient le programme et l’ordre d’enseignement. Des étudiant.es en enseignement à l’UQO (Outaouais) et en travail social à l’UQAM (Montréal) ont, pour leur part, entrepris de mettre sur pied, dans leur région respective, des comités ouverts de mobilisation pour la rémunération de tous les stages, dans l’ensemble des programmes.

Pendant ce temps, la gauche étudiante, organisée majoritairement dans les programmes d’arts et de sciences sociales, tarde à emboîter le pas et à prendre activement part à la lutte pour la rémunération des stages, préférant applaudir de loin les quelques gains obtenus. On devine que dans ces réseaux, on se sent peu concerné.es par l’enjeu ou on n’ose pas s’en mêler, en partie dû à l’absence de stage obligatoire dans leurs cursus, en partie par désir d’une école servant à autre chose qu’à pourvoir en main-d’œuvre le marché du travail. Or, cette posture critique de la «* *marchandisation » de l’éducation fait fausse route en résistant à l’effritement d’un modèle qui n’a jamais existé. Partant de cette posture, que dire alors à la très large majorité des étudiant.es qui s’inscrivent à l’école justement pour accéder à l’emploi, dont quelque 70 % exigent un diplôme postsecondaire au Québec? On doit se rendre à l’évidence : la gauche étudiante a peu de réponses politiques à offrir à cette population étudiante, ce qui en fait un mouvement actuellement plutôt moribond. Il faut dire que le syndicalisme étudiant a déjà eu meilleure mine.

Pour les militant.es des CUTE, la grève des stages en psychologie est apparue comme une occasion en or pour donner un nouveau souffle au mouvement étudiant en mettant de l’avant la reconnaissance du travail étudiant, par un salaire et des conditions décentes, mais aussi par la valorisation de ce qu’il peut produire. C’est dans cet esprit que nous sommes allé.es un peu partout pour diffuser et discuter des différentes dimensions du problème, que ce soit pour les parents étudiants, pour l’autonomie vis-à-vis de la famille, contre l’exploitation et la vulnérabilisation des étudiant.es, en particulier des femmes qui occupent une large part des stages non rémunérés.

Cette session-ci, nous poursuivrons notre mobilisation en vue d’une reconnaissance du travail étudiant à sa juste valeur. Les 16 et 17 février, nous vous invitons à joindre la mobilisation pour la rémunération de tous les stages, en marge du Rendez-vous national sur la main-d’œuvre. Organisé par le gouvernement libéral, cet événement rassemblera des représentant.es des milieux patronaux et syndicaux pour discuter des questions entourant le développement économique et le travail salarié. Depuis plusieurs mois déjà, les directions des plus grandes centrales syndicales (CSN, FTQ, CSQ, CSD), aux côtés des présidents des Manufacturiers et exportateurs du Québec, de la Fédération des chambres de commerce, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et, bien sûr, du Conseil du patronat du Québec se concertent pour établir les bases d’un «consensus» à confirmer durant cette rencontre. Derrière des portes closes, ils discuteront de l’arrimage, toujours avec plus d’acuité, de notre formation aux préoccupations actuelles des employeurs.

En effet, cet événement vise aussi la formation au travail salarié — l’éducation — en cherchant « des mesures pour assurer une meilleure adéquation formation-emploi ». En marge, ce sera une bonne occasion de mettre de l’avant un discours sur nos propres conditions de travail et celles d’autres précaires, tout en critiquant la collaboration des représentant.es des milieux académiques et syndicaux à la formation d’un « consensus » qui reconduit l’appauvrissement et l’exploitation. On le sait, la concertation avec l’État et le patronat n’a jamais permis aux personnes les plus marginalisées de défendre sérieusement leurs droits ni l’amélioration de leurs conditions de vie.

Sur la question des stages, seule une campagne portant sur tous les niveaux et domaines d’études peut permettre de décloisonner cette lutte en ne laissant personne derrière. Les expériences passées de revendications sur cet enjeu se sont trop souvent appuyées sur des arguments corporatistes qui hiérarchisent entre eux les différents corps de travail. Or, les domaines moins bien représentés (éducation spécialisée ou à la petite enfance, animation sociale, soins infirmiers, sexologie, archivistique, etc.) méritent aussi notre attention. D’autant plus que, bien souvent, le salaire moyen lors de l’entrée sur le marché du travail dans ces domaines est beaucoup moins grand. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons laisser des étudiant.es s’endetter au cours de certains stages pendant que nous défendons la rémunération d’autres stages.

Dans cette optique, nous invitons tout le monde à répondre à l’appel des étudiant.es en travail social de l’UQAM et des étudiant.es en éducation de l’UQO, qui ont entrepris de former une coalition sur la rémunération des stages dans tous les domaines d’études. Nous appelons à multiplier dans toutes les régions ce type d’initiative, où toute personne et organisation interpellées par ces enjeux et prêtes à mettre l’épaule à la roue est invitée à se joindre à l’organisation de la mobilisation. Il est grand temps que la lutte pour la rémunération de tous les stages commence!


Cet article a été publié dans le numéro de l’hiver 2017 du CUTE Magazine.
Pour te tenir informé.e sur la lutte pour la pleine reconnaissance du travail étudiant, pour en discuter ou pour y contribuer, tu peux nous contacter via la page CUTE Campagne sur le travail étudiant.

*Et pour venir à la manifestation du 16 février à Québec, en marge du Rendez-vous national sur la main-d’œuvre, l’information sur trouve sur l’évènement Facebook. *