On apprenait hier, par la bouche du ministre de l’Éducation, que le gouvernement s’est une fois de plus opposé publiquement à la rémunération des stages [1], plus particulièrement de ceux en enseignement; “Sébastien Proulx estime qu’il existe d’autres solutions pour les étudiants, comme se trouver un emploi lié à l’enseignement, telles que la suppléance occasionnelle ou l’aide aux devoirs” [2].
Il faudrait donc que ceux et celles qui accomplissent gratuitement les tâches d’un.e enseignant.e pendant des centaines d’heures trouvent en plus le temps d’accomplir ces mêmes tâches dans le cadre d’un emploi rémunéré. Pourtant, une des raisons pour justifier la non-reconnaissance du travail accompli en stage est que les stagiaires sont en formation et ne seraient donc pas suffisamment qualifié.es pour obtenir un salaire… Il faudrait peut-être en informer les commissions scolaires qui, en ce début d’année scolaire, tentent désespérément de combler leur pénurie de personnel en offrant des postes peu alléchants aux étudiant.es n’ayant pas encore terminé leur baccalauréat. Une nouvelle preuve de l’importance des emplois précaires dans un marché du travail chambranlant.
Le ministre Proulx oublie aussi que dans de nombreuses universités, il est interdit pour les stagiaires d’accepter des contrats de suppléances durant leur stage sous peine d’obtenir un échec. D’ailleurs, dès le début de notre formation, on n’a de cesse de nous sermonner: oubliez ça, le travail et les enfants pendant le stage 4! On s’attend des stagiaires qu’elles et ils mettent leur vie et leur autonomie en veilleuse afin de s’investir entièrement dans leur stage final, qui dure entre 2 et 4 mois à temps plein. D’ailleurs, même si l’on pouvait obtenir des périodes de suppléance pendant un stage 4, la présence de l’étudiant.e à son milieu de stage est souvent obligatoire et l’empêche donc de se déplacer pour des périodes de suppléance.
En ce qui concerne les « autorisations provisoires d’enseigner », les règles pour y avoir accès varient grandement d’un programme à l’autre et sont souvent octroyées dans la plus grande opacité, une façon de faire qui perpétuent les inégalités entre les étudiant.es. On comprend donc que la rémunération des stagiaires n’est possible que pour répondre aux besoins du marché: ce n’est que lorsque l’employeur a besoin de boucher des trous que l’on reconnaît la valeur du travail qui, autrement, est accompli gratuitement.
La multiplication des sorties ministérielles contre la rémunération des stages montre la pertinence de la campagne actuelle pour une pleine reconnaissance du travail accompli pendant les études. En se contentant de demander une compensation pour le travail qu’il est impossible d’accomplir parce que l’on est en stage, on laisse toute la place aux discours paternalistes comme celui que vient de nous servir le ministre Proulx.
Nous n’avons que faire de vos leçons et de votre mépris, messieurs et mesdames les ministres. Les solutions pour survivre à nos stages, nous les connaissons toutes. D’ailleurs, vous en avez oublié quelques-unes: pourquoi ne pas rappeler aux stagiaires qu’ils et elles peuvent fréquenter les banques alimentaires [3]? Ou pourquoi ne pas nous encourager à retourner vivre chez nos parents? Peut-être pourriez-vous nous présenter de bons partis, des époux qui gagnent bien leur vie [4]?
Non. Ce que nous accomplissons pendant les stages, c’est du travail, qui plus est du travail exigeant. Nous exigeons donc à notre tour qu’il soit reconnu et payé à sa juste valeur. Et nous l’exigerons tant qu’il le faudra!
Signataires :
- Mircea Adamoiu, étudiant au baccalauréat en enseignement du français au secondaire, Université de Montréal
- Sébastien Beausoleil-Huneault, étudiant au baccalauréat en enseignement du français au secondaire, Université de Montréal
- Jeanne Bilodeau, étudiante à la maîtrise en éducation, Université du Québec à Montréal
- Emmanuelle Boisvert, étudiante au baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire, Université du Québec à Montréal
- Gabrielle Bouchard, étudiante au baccalauréat en enseignement du français au secondaire, Université du Québec à Montréal
- Nicholas Bourdon, diplômé au baccalauréat en enseignement secondaire en univers social, Université du Québec en Outaouais
- Julie-Anne Brault, diplômée au baccalauréat en enseignement secondaire en univers social, Université du Québec en Outaouais
- Alexandre Champagne, étudiant au baccalauréat en enseignement de l’univers social au secondaire, Université de Montréal
- Daphné Champoux, étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale, Université du Québec à Montréal
- Alexandre Clément, étudiant au baccalauréat en enseignement au secondaire en univers social, Université du Québec à Montréal
- Joanie Demers, étudiante au baccalauréat en enseignement primaire et préscolaire, Université du Québec à Rimouski
- Marye Forget, étudiante au baccalauréat en enseignement au secondaire en éthique et culture religieuse, Université du Québec à Montréal
- Sarah Gagnon-Bischoff, étudiante au baccalauréat en enseignement secondaire en français, Université du Québec en Outaouais
- Félix Germain, enseignant en adaptation scolaire et sociale, Commission scolaire de Montréal
- Marc-Olivier Gilbert, étudiant au baccalauréat en enseignement au secondaire en français, Université du Québec à Montréal
- Stéphanie Gilbert, étudiante en enseignement du français au secondaire, Université du Québec en Outaouais
- Charles-Antoine Goulet, étudiant au baccalauréat en enseignement au secondaire en univers social, Université du Québec à Montréal
- Sarah Harper, étudiante au baccalauréat en enseignement au secondaire en univers social, Université du Québec à Montréal
- Loann Harvey-Tremblay, étudiant au baccalauréat en enseignement du français au secondaire, Université de Montréal
- David Lacombe, étudiant au baccalauréat en enseignement au secondaire en univers social, Université du Québec à Montréal
- Clara L. Le Blanc, étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale, Université du Québec à Montréal
- Floriane Lemaille, étudiante au baccalauréat en enseignement du français au secondaire, Université du Québec en Outaouais
- Laurianne Massicotte, étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale intervention au préscolaire et primaire, Université du Québec à Montréal
- Simon-Pierre Mercille, étudiant au baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire, Université du Québec à Montréal
- Sandrine Mérette-Attiow, étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale, Université du Québec à Montréal
- Loïc Michaud-Mastoras, étudiant à la maîtrise en enseignement au secondaire en univers social, Université de Montréal
- Jeanne Morissette, étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale
- Ariane Phaneuf, étudiante en adaptation scolaire scolaire et sociale, Université du Québec à Montréal**
- Antoine Pigeon, enseignant en mathématiques au secondaire
- Julien Poirier, diplômé au baccalauréat en intervention en activité physique, profil enseignement, Université du Québec à Montréal
- Gabriello Provencher-Hozaien, étudiant au baccalauréat en enseignement au secondaire en mathématiques, Université du Québec à Montréal
- Sophie Roberge, étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale, Université du Québec à Montréal
- Léa Robichaud, étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale, Université du Québec à Montréal
- Kim Roy Belhumeur, étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale, Université du Québec à Montréal
- Valérie Simard, étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale, Université du Québec à Montréal
- Charlotte Studer, étudiante au baccalauréat en enseignement au secondaire en univers social, Université du Québec à Montréal
- Catherine Tremblay, étudiante au baccalauréat en enseignement au secondaire en éthique et culture religieuse, Université du Québec à Montréal
- Raphaëlle Vallières, étudiante au baccalauréat en enseignement en éthique et culture religieuse, Université du Québec à Montréal
- Nicolas York, étudiant au baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire, Université du Québec à Montréal
- *Association des Étudiantes et Étudiants de la Faculté des Sciences de l’Éducation de l’UQAM ([ADEESE-UQAM](http://www.adeese.^rg *
La coalition montréalaise pour la rémunération des stages tiendra sa deuxième rencontre dimanche, 1er octobre 2017 à 10h au cégep Marie-Victorin. Voir l’évènement.
D’autres coalitions régionales verront bientôt le jour ailleurs au Québec. Pour suivre la campagne et pour vous impliquer: CUTE Campagne sur le travail étudiant
Au printemps, c’est la ministre Hélène David qui s’y était opposé lors du dépôt de la pétition de la CRAIES à l’Assemblée nationale. https://dissident.es/la-verite-sort-de-la-bouche-des-ministres/ ↩︎
“Stage en enseignement: pas de rémunération en vue”, Le Courrier Parlementaire, 26 septembre 2017. https://www.courrierparlementaire.com/article/pas-de-r-eacute-mun-eacute-ration-en-vue-26139 ↩︎
“Quand les banques alimentaires sont la seule solution pour ne pas étudier le ventre vide”, Radio-Canada, 9 décembre 2016. http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1004910/banques-alimentaires-etudiant-insecurite-alimentaire ↩︎
“De plus en plus d’étudiantes canadiennes se font payer leurs études par un sugar daddy”, Vice, 6 septembre 2017. https://www.vice.com/fr_ca/article/z44ew5/de-plus-en-plus-detudiantes-canadiennes-se-font-payer-leurs-etudes-par-un-sugar-daddy ↩︎