La division internationale du travail est organisée de manière telle que des femmes et des hommes, souvent hautement qualifié.es, entreprennent de migrer vers les pays occidentaux pour espérer obtenir une sécurité et des revenus suffisants pour vivre et, selon le cas, pour faire vivre leurs proches dans le pays d’accueil et le pays d’origine. C’est ainsi qu’au Québec, des travailleurs et travailleuses immigrant.es se retrouvent à occuper des emplois précaires en attendant de faire reconnaître leurs compétences ou d’acquérir des compétences nouvelles dans le cadre d’une formation. On retrouve bon nombre de ces personnes, surtout des femmes, dans les programmes techniques et professionnels comportant des stages obligatoires non rémunérés, tels que les soins de santé ou l’éducation à l’enfance. Plusieurs d’entre elles sont également contraintes à accepter de travailler gratuitement afin d’accumuler des expériences jugées « pertinentes » aux yeux des employeurs. Pourtant, les tâches qu’on leur demande d’accomplir sont bien souvent les mêmes que celles de leurs collègues salarié.es.

Le racisme et la xénophobie à leur égard sont entretenus par le personnel enseignant, les collègues et les employeurs et persistent après la formation. C’est ainsi que de nombreuses personnes qualifiées se voient refuser des emplois et des stages parce qu’on juge qu’elles risquent de ne pas comprendre certains codes sociaux et culturels qui ne sont pas explicités; cela ferait en sorte qu’elles pourraient ne pas savoir comment se comporter avec certaines « clientèles ». Pire encore, les superviseurs de stage et les employeurs ferment les yeux lorsque des « client.es » refusent de recevoir les services de ces stagiaires, les confortant dans leurs propres préjugés racistes.

L’exclusion perdure souvent pendant des générations. C’est le cas des personnes racisées issues des communautés culturelles établies au Canada depuis des décennies, ou encore celles présentes avant la colonisation européenne, qui portent encore le poids de la marginalisation liée au colonialisme, à l’esclavage et à l’impérialisme. Il a d’ailleurs été maintes fois démontré que les stigmates raciaux dans le « pays d’accueil » ont un lien direct avec le rôle conféré au pays d’origine dans l’économie mondiale (faire le ménage, garder les enfants, cultiver les fruits et légumes).

Tout comme il ne suffit plus uniquement de dénoncer le sexisme ordinaire et de s’opposer au masculinisme, il est insuffisant de dénoncer le racisme dans ce qu’il a de plus spectaculaire. Au-delà de l’opposition à l’extrême-droite, les luttes actuelles et à venir auront à s’attaquer aux structures qui reproduisent la discrimination et l’exclusion sociale, qui fournissent aux employeurs de tout acabit de la main-d’oeuvre bon marché et facile à exploiter. La question des stages permet de mettre le projecteur sur de nombreuses situations de sexisme et de racisme qui ont un impact sur les conditions de vie des personnes racisées et immigrantes. Elle déborde aussi du mouvement étudiant, alors que l’on assiste à une diminution des emplois à temps plein au profit d’une hausse des emplois contractuels, à temps partiel (travail atypique) et faiblement payés, qui sont occupés majoritairement par des femmes. Dans un contexte où les employeurs cherchent continuellement à diminuer leurs coûts de production et que les droits sociaux sont de moins en moins tangibles, de nombreuses personnes sont contraintes d’accepter de travailler gratuitement afin d’accumuler l’expérience nécessaire pour espérer être embauchées ou grimper les échelons. Une telle lutte permet de confronter la non-reconnaissance des qualifications acquises à l’international, en particulier dans les pays du Sud. Enfin, elle tend à s’internationaliser pour s’attaquer directement à la division internationale du travail. Depuis la dernière crise économique, les appels à la grève des stagiaires se font de plus en plus nombreux en Afrique du Nord, en Asie de l’Est, en Amérique du Nord et en Europe occidentale, même qu’un appel à la grève mondiale des stagiaires (Global intern strike) a eu lieu en février dernier.

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Ce texte est destiné à être diffusé dans le cadre de la Grande manifestation contre la haine et le racisme, le 12 novembre prochain.

Comité unitaire sur le travail étudiant de l’UQAM (CUTE-UQAM)
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