« Nous sommes en grève, qui se joindra à nous? » disaient les bannières des enfants de Liverpool en septembre 1911. Beaucoup d’enfants répondront à cet appel et, durant tout le mois de septembre, des élèves d’au moins 62 villes d’Angleterre et d’Écosse se mettent en grève. Dans certaines écoles, seulement quelques dizaines d’élèves quittent les classes et paradent dans les rues durant une journée ou deux. Dans d’autres villes, comme à Dundee, au moins mille enfants organisent des comités de grève et des flying pickets, escouades chargées de répandre le mouvement et de faire sortir les élèves en solidarité avec les grévistes.

Le mouvement fait suite aux troubles de l’été 1911. En juillet et en août de cette année-là, dans plusieurs villes britanniques, des grèves ouvrières éclatent pour de meilleures conditions de travail et des augmentations de salaire. C’est dans les villes où les perturbations seront les plus violentes qu’éclateront, à la rentrée, les grèves des écoles. Dans les journaux de l’époque, on dit d’ailleurs des enfants qu’ils et elles imitent bêtement leurs parents.

Durant la grève, les revendications diffèrent d’une ville à l’autre mais les plus populaires sont l’abolition des coups de canne et des châtiments corporels, une limite d’âge à la scolarisation, de 13 ou 14 ans, la fin des devoirs et un congé supplémentaire d’une demi-journée ou d’une journée par semaine. Dans beaucoup de villes également, on demande une rémunération pour les moniteurs, ces élèves plus vieux chargés d’enseigner aux plus jeunes. Dans quelques villes, les enfants demandent à être payés pour leur simple présence à l’école sans distinction selon le mérite.

Les enfants qui font la grève sont principalement issus des quartiers les plus pauvres de la classe ouvrière, enfants de paysans et de journaliers. Les journaux les surnomment péjorativement the truant class, la classe absentéiste, parce qu’ils et elles s’absentent fréquemment de l’école pour aider leurs parents. Les revendications d’un congé pour la cueillette des patates, de la réduction de la journée d’école et de la durée de la scolarité témoignent de la préoccupation des enfants les plus pauvres de soutenir leur famille à une époque de consolidation d’un système d’éducation national et obligatoire. C’est certainement ces mêmes considérations économiques qui poussent les élèves à demander une rémunération pour leur fréquentation scolaire : pour les plus pauvres, chaque journée à l’école est une journée perdue aux champs ou à l’usine.

Par Jeanne Bilodeau


Pour en savoir plus sur la grève écolière de 1911:

Humphries, S. (1981) Hooligans or Rebels? An Oral History of Working-Class Childhood and Youth 1889-1939, Basil Blackwell: Oxford.

Hurt, J.S. (1979) Elementary Schooling and the Working Classes 1860-1918, London: Routledge and Kegan Paul.

Marson, D. (1973) Children’s Strikes in 1911, History Workshop Pamphlets, Number Nine, Oxford: Ruskin College.

Rancière, D. (1976) La grève des écoliers: un épisode de la guerre sociale en Angleterre (1911), Dijon: Guerre sociale.https://infokiosques.net/spip.php?article635


Cet article a été publié dans le numéro de l’hiver 2017 du CUTE Magazine.
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