C’est dans son ouvrage Théorie de la justice que John Rawls met de l’avant une idée qui se trouve, certes, à être très libérale, mais qui est tout aussi, sinon plus, égalitaire : la juste égalité des chances.
Tout d’abord, avant de se lancer dans le vif du sujet, comment se définit la juste égalité des chances?
« Une juste égalité des chances […] signifie que le gouvernement […] essaie de procurer des chances égales d’éducation et de culture à ceux qui ont des dons et des motivations semblables, soit en subventionnant des écoles privées, soit en créant un système scolaire public», écrit le philosophe américain dans son très célèbre livre. Si on se permet de vulgariser cette définition, un gouvernement doit donc farouchement s’opposer à la conception entrepreunariale des universités ou de toute autre institution scolaire. L’école, privée ou publique, doit plutôt être accessible à chaque personne qui veut y avoir accès et, pour se faire, le gouvernement doit faire tout ce qui est en son possible pour garantir cet accès.
Selon l’éthique kantienne, chaque personne possède une ou des valeurs ainsi qu’une dignité propres à elle ou lui-même qui font en sorte que chaque personne a droit à une égale considération de chacun.une d’entre nous.
Partant de cette dite considération où nous sommes, en quelque sorte, sur un même pied d’égalité, nous sommes donc tous des êtres ayant des buts et des objectifs différents qui sont fidèles à nos valeurs, ce qui fait que nous méritons tous d’avoir le même accès aux outils qui nous permettent d’y arriver, soit l’école. Et pour se faire, nous devons commencer par abolir la privatisation dans le domaine scolaire afin que l’école soit gratuite et accessible pour tout le monde, riches et moins riches.
Ici, au Québec, nous sommes partis du bon pied. Les Québécois.ses bénéficient d’un système d’écoles publiques gratuites, de l’entrée à la maternelle jusqu’à l’obtention du Diplôme d’études secondaires (D.E.S).
Les choses commencent à se corser lors de la toute première année au cégep. Ensuite, certains (enfin, ceux qui en ont les moyens) entrent à l’université, et là, les prix pour apprendre et atteindre nos objectifs personnels changent en montant drastiquement. À titre d’exemple, l’obtention d’un seul crédit (lors d’études de 1er cycle (baccalauréat, études majeures, études mineures, etc.)) à l’Université de Montréal coûte 76,45$. Sans compter les demandes d’admission qui, à elles seules, coûtent en moyenne 80$.
Les côuts varient généralement d’une université à l’autre, mais force est de constater que nous sommes à des années lumières de la gratuité scolaire quand nous voyons qu’une simple demande d’admission coûte les yeux de la tête.
La lutte pour cette gratuité scolaire est pièce maîtresse du mouvement étudiant depuis belles lunes. Nous l’avons bien vu en 2012, lors du Printemps érable, sous un gouvernement Charest qui haussait dégueulassement les frais de scolarité et qui a été la proie de dizaine de milliers d’étudiants qui ont rapidement riposté à coup de manifestations et de moyens de pressions. Cette hausse avait pour effet de compromettre et de creuser l’accès de tous et et de toutes à une éducation supérieure à l’université.
Injustice? Mais oui, totalement. Car qui s’en sortira le mieux?
Que les mieux nantis.es aient plus de chances de réussir que ceux et celles qui le sont moins, c’est là ce qui devrait s’appeller une injustice pure et propre. Cela ne veut pas dire qu’on devrait se mettre à leur tirer nos tomates, car ces personnes utilisent ce qu’elles ont pour poursuivre leurs buts. Leur en vouloir pour ce qui est tout à fait normal?
Mais fort malheureusement, une personne, lorsqu’il ou qu’elle vient au monde, ne choisit pas le milieu socio-économique dans lequel ille s’émancipera. À quoi cela rime? Qu’une personne qui vient au monde dans un milieu moins aisé qu’un autre a moins de chance pour réussir. Nous désirons tous poursuivre la satisfaction de nos propres intérêts. Naturellement, nous y sommes poussés.ées par nous-même. Cependant, certains.nes ne peuvent tout simplement pas en venir à bout. Et c’est ce en quoi réside l’injustice ici. La solution pour la régler, c’est d’appliquer une politique qui favorise la juste égalité des chances, pour faire en sorte que les portes soient ouvertes à tous et à toutes, sans exception.
À quand une intervention étatique, au Québec comme partout ailleurs dans le monde, pour réduire ces inégalités et ainsi donner une même chance à tous et à toutes? Les universités et les cégeps ne sont pas des entreprises, ce sont des lieux où on forme la relève de demain. Et il est troublant de se demander si ces écoles se soucient plutôt de leurs chiffres et de leurs profits plutôt que de la réussite et de l’émancipation des étudiants.es dans leurs projets.
Pendant que des pays comme la Suède sont sur la voie de la sociale-démocratisation, d’autres, comme ici, restent toujours ancrés derrière et demeurent dans ce statu quo qui, visiblement, est et demeurera toujours inégalitaire et injuste.
Étant, pour la plupart sans le savoir, pour une juste égalité des chances, nous devons continuer à nous battre pour obtenir une fois pour toutes et garantir à tous et à toutes la gratuité scolaire, de la maternelle au doctorat. Rendu là, des inégalités comme celles que nous voyons, il y en aura de moins en moins.