Appel étudiant pour se joindre à la grève des femmes
Contre le travail gratuit
Depuis maintenant quelques années, les femmes appellent à la grève pour dénoncer l’exploitation de leur corps, de leur temps et pour visibiliser collectivement ce que signifierait l’arrêt de leur travail, à l’intérieur comme à l’extérieur de la maison. Des femmes, on s’attend à ce qu’elles accomplissent gratuitement les tâches de soins et d’éducation et le travail affectif qui leur est associé. Ce travail leur reviendrait par nature, parce qu’elles auraient une propension “naturelle” à soigner, éduquer et un penchant pour la dévotion. Or, il faut résister à ce cadre patriarcal dans lequel on essaie de les enfermer ! Dans la sphère domestique, comme à l’école, dans la chambre à coucher, dans les milieux de travail et trop souvent dans les milieux militants, partout le temps des femmes et leur corps sont appropriés de diverses façons afin d’en exploiter gratuitement le travail. Un continuum d’exploitation patriarcale qui les place dans une situation de grande vulnérabilité vis-à-vis des patrons, des conjoints, des parents et des professeurs qui affectent leur santé mentale et physique. Cette situation n’a que trop duré, il est temps de se mobiliser contre le travail gratuit !
Car c’est bien de travail gratuit dont on parle, lorsqu’on demande aux femmes d’effectuer certaines tâches qui profitent à d’autres, sans contrepartie, ni sans reconnaissance sociale ou économique de cette contribution. Et dans les institutions d’enseignement, c’est bien selon les mêmes rhétoriques que l’on justifie toutes les heures de travail en formation. Une formation, en stage, en apprentissage ou à l’école qui permet aux employeurs privés, publics ou sans but lucratif de capter et de s’en approprier le résultat. En effet, on nous demande, aux étudiants et aux étudiantes, aujourd'hui plus nombreuses sur les bancs d'école, d’effectuer ce travail gratuit en nous promettant un meilleur accès à un emploi, qui restera, pour beaucoup d’entre nous, précaires et à durée déterminée.
Pour nous faire accepter ce travail gratuit, toutes les justifications sont utilisées : les expériences acquises lors de nos de formations nous permettent de côtoyer les meilleur·e·s de l’industrie, les plus créatif·ive·s, les plus innovant·e·s. Dans les domaines de soins (du care), où toujours plus de femmes sont présentes, c’est par l’amour des autres et la vocation qu’on essaie de nous conditionner. On nous répète également sans cesse le « plaisir d’apprendre » pour occulter le travail effectué quotidiennement. Ce faisant, on tente de nous convaincre qu’il s’agit en fait d’un « privilège » de travailler sans être payé·e. Et puisque l’éducation serait un investissement personnel pour l’avenir, ce serait à nous de payer les frais de scolarité toujours de plus en plus élevés. Mais comment trouver les moyens de travailler sans être payé·e ?
C’est dans cette perspective que nous allions la lutte des étudiant·e·s pour le salaire étudiant ainsi que la lutte pour la rémunération des stages à la mobilisation collective des femmes contre la réduction historique de leur travail à une activité sans valeur productive. La population étudiante constitue de plus en plus un bassin de travailleuses qui sert de main d’œuvre bon marché dans une économie qui demande sacrifices et exploitation. Les employeurs sont complices de cette logique en profitant du roulement d’étudiant.e.s pour maintenir des salaires peu élevés.
Pour une reconnaissance sociale et économique
La rémunération du travail gratuit, que ce soit dans les milieux de formation, au travail ou à la maison, est un pas de plus vers une émancipation et une autonomie économique. La valorisation et la reconnaissance de ce travail productif et reproductif permet de rééquilibrer les rapports de pouvoir. Un salaire étudiant peut permettre aux étudiant·e·s d’envisager leur formation sans l’accumulation de petits jobs, souvent précaires et d’accéder à des conditions de formation plus décentes. Mais c’est aussi soulager les jeunes travailleurs et travailleuses en formation de l’emprise des banques et notamment des prêts étudiants qui commencent souvent dès la sortie de l'école secondaire. Légitimer l’autonomie économique des femmes, c’est bouleverser un système oppressif où les femmes sont infériorisées et contribuer à la lutte pour le droit à l’égalité.
Les femmes et les personnes appartenant aux minorités sexuelles et de genre, en particulier lorsqu'elles et ils sont racisé·e·s ou sans statut, sont les premières à vivre le harcèlement et les violences sexuelles. Dans la rue, au travail, à l’école, elles sont exposées quotidiennement au sexisme et aux violences verbales et physiques, trop souvent sans recours ou sans protection légale pour se défendre contre celles-ci. Ce système de domination se retrouve à tous les niveaux de la société, y compris dans les institutions d'enseignement où les femmes continuent d’être dévalorisées et opprimées dans un environnement qui devrait pourtant être égalitaire et sécuritaire. Entre la peur de ne pas être crue, celle des menaces et représailles d’une entreprise ou de la mise en échec scolaire de la part d’un établissement, la dénonciation est souvent un parcours long et difficile dans lequel s’engage peu de victimes/survivantes et les sanctions sont souvent inexistantes. La reconnaissance économique et sociale de leur travail est un pas de plus vers l’autonomie des femmes. Elle leur permet de se protéger, de se soutenir et de s’épanouir au sein d’une société où leur travail serait reconnu et les violences sexuelles sanctionnées. On se donne le pouvoir de transformer les rapports de force politiques et économiques existants.
En se réappropriant les outils de la grève, nous invitons les étudiant·e·s à se joindre à la grève des femmes, travailleuses, chômeuses, apprenties, sans salaire, indépendantes et celles qui reçoivent des allocations. En politisant l’activité étudiante, en l’identifiant comme un travail, nous invitons donc les étudiant·e·s et autres groupes sociaux à réfléchir et discuter de l’exploitation du travail des femmes et d’aborder de front l’étendue du travail reproductif gratuit et ses implications dans l’accumulation capitaliste au sein de la division internationale du travail. Comme le soulignait l’appel à la grève de NiUnaMenos, la force de notre mouvement est dans les liens que nous tissons entre nous[1]. Et, pour ce faire, nous devons nous organiser pour développer un rapport de force et pour tout changer.
En France, en Suisse, en Belgique, au Québec comme ailleurs les choses doivent changer. Mobilisons-nous !
Signataires:
Union syndicale étudiante (USE) – Belgique
www.use.be
info@use.be
www.facebook.com/UnionSyndicaleEtudiante
SUD Étudiant-e-s et Précaires – Suisse
www.sud-ep.ch
info@sud-ep.ch
www.facebook.com/SUD.ep.ch
Solidaires étudiant-e-s – France
www.solidaires-etudiant.org
contact@solidaires-etudiant-e-s.org
www.facebook.com/solidairesetudiantes
Comités unitaires sur le travail étudiant- Comité pour la rémunération des stages et des internats
www.travailetudiant.org
www.grevedesstages.info
CUTE - Université de Montréal
https://www.facebook.com/CUTEUdeM/
CUTE - Cégep du Vieux Montréal
https://www.facebook.com/CUTECVM/
CUTE - Université du Québec à Chicoutimi
https://www.facebook.com/CUTEUQAC/
CUTE - Université du Québec à Montréal
https://www.facebook.com/cuteuqam/
CRIS - Université du Québec en Outaouais
https://www.facebook.com/CRIS-Coalition-de-lOutaouais-pour-la-r%C3%A9mun%C3%A9ration-des-stages-183046498843348/