***** Cette lettre est la première d’une courte série que je publierai ici.  Elles seront en quelques sortes les critiques et réflexions sur le mouvement étudiant que la grève de 2012 m’a permis de faire, en tant que militant du Sag-Lac *****

Salut Perrine

Ça s’adonne qu’on s’est vu vla une couple de jours, pis avant de partir je t’ai dit qu’on se reparlerait du Mage. On va peut-être s’en reparler. Mais quand je t’ai dit que je n’étais pas sûr de vouloir en parler encore, j’avais cette lettre en tête, qui était ma porte de sortie pour idéalement, plus jamais en parler. Elle était déjà presque finie. Je l’ai écrite sans savoir vraiment à qui je la dédiais, mais je pense que tu es la bonne destinataire. Tu seras donc la victime de mon plus grand acte de belle-mèr-ise, ou d’hasbeenisme, c’est selon.

Faique vla 5 ans déjà, c’était la grève étudiante de 2012. Ça commençait tout juste à l’UQAC, à cette date. Le 28 février en fait, c’était Sciences-Po qui avait parti le bal. Avec moi. J’ai arrêté d’aller à mes cours à cette date là. Cette idée de grève modulaire là a un peu commencé à cause de Mage. La manière dont il fonctionne, le Mage, ce qu’il possède, ceux qui le possèdent, ceux qui le gèrent, et ceux qu’il gèrent. La thèse que je veux te présenter, c’est que c’est calissement pas le moment de mettre une maudite joule dans cette organisation là. Jpense que structurellement parlant, Mage ne peut plus être en rupture avec le système économique qui essaie de soumettre notre université actuellement. Pis que ça va prendre un contexte de mobilisation très favorable pour changer le vent d’bors. Jva t’expliquer pourquoi jpense ça dans des tournures de phrases qui se disent ben mieux de vive voix, mais qui sonneront pas comme un prof d’université qui est pas sorti de sa tour d’ivoire depuis 1974.

Perrine tu peux arrêter de lire ici et recommencer où je vais te le redire. Ceux qui connaissent Mage pas mal, recommencez plus loin aussi. Jveux être sûr que tout le monde part de la même base.

Faique pour que ce soit clair pour tout le monde (parce que ein, si je voulais juste que ce soit toi qui la lise la lettre, jte l’aurait envoyé par la poste), le Mage, c’est le Mouvement des Associations Générales Étudiantes de l’UQAC. Faique l’acronyme c’est MAGE-UQAC, pis dans l’boutte, le monde y font pas mal référence en disant “le Mage”, ou ben juste “Mage”. Les has-been s’appellent des magiciens, y’a sûrement un groupe Facebook avec eux autres dedans qui s’appelle de même. L’UQAC c’est l’Université du Québec à Chicoutimi, pour ceux qui se sont jamais rendu l’autre bord de la station Henri-Bourassa.

Le Mage c’est 4 instances. Mais pas vraiment, mais jva revenir plus loin là dessus. Y’a l’Assemblée Générale (AG), le Conseil d’Administration (CA), le Conseil central (CC) pis le Conseil Exécutif (CX, CE, ou CEX. Moi je dis CX d’habitude. On appelait ça de même à l’AGEECC). En principe, l’AG peut décider ce qu’elle veut sur ce qu’elle veut, tant qu’elle respecte son processus de modification des Statuts et Règlements (que je nommerai RG à l’avenir, pour “règlements généraux”) et la loi. L’extrait exact, c’est : “la Loi sur les compagnies et par les Statuts et règlements”. Le CA lui décide et a droit de gestion sur les affaires financières et administratives de Mage. Le staff, les postes à combler au CA, pis toute la paperasse légale Le monde qui siègent là c’est un certain nombre d’exécutants, pis des étudiants nommés selon leurs programmes. Y sont 11 quand même. Big Time. Le CX, ben c’est plutôt standard. 8 execs, pas mal de staff asteur (attaché, graphiste, tech en bureautique, une personne au socio-politique pis un responsable des partys). Le CC, c’est toutes les questions politiques et institutionnelles, entre les AGs. Toutes les associations modulaires, d’unités, ou de programmes ont droit à des représentants au CC. Les quelques programmes qui sont vraiment populeux en on 2, les autres un seul. L’exécutif y siège, mais a pas droit de vote. Mais tient donc, il y a aussi des associations modulaires ?

Ben oui. Des associations modulaires. Ben oui (pun intended). Mage, quelque part dans son histoire, a décidé de créer des associations de module ou de programme ou de whatever comment que c’est rendu que ça s’appelle ces structures là à l’UQAC parce que ça change tout le temps. Elle représentent un peu les étudiants qu’elles veulent (genre, UETS-UQAC, qui est l’asso de travail social, représente tout le monde, y compris les cycles supérieurs, tandis qu’en sciences sociales, on a au premier cycle Histoire, Géo, Science Po, Socio-Anthropo, pis aux cycles sups t’en a une pour la maîtrise, pis une pour le doc. Bref c’est ben random). Les plus grosses associations, c’est premier cycle Administration (AEMSA), et Génie (Génie-UQAC). Grosso modo, c’est des assos de party. Y se fait pas ben ben de politique. Des fois y’a des bonnes années, comme en 2012, où plusieurs en font en même temps. D’autres, personne en fait, ou seulement quelques unes, de façon disparates. Mais ça sert principalement à organiser les party universitaires (PU) et faire des équipes pour le festival étudiant.

Mage finance aussi des clubs. Un comité Enviro, l’association des étudiants internationaux, Formule SAE sûrement aussi, le comité voyage, pis un autre, des fois, mais via son budget de fonctionnement normal : le comité de mobilisation. On va revenir plus tard sur le comité de mobilisation. Ces comités là sont des fois abandonnés, des fois très actifs, c’est cool tsé, ça prend ça. Y’avait aussi un club indépendantiste un boutte, je sais pas si ça existe encore. Bref des affaires de même. Pour ce qui est de la Radio-Étudiante (CEUC-Radio) pis du journal (Le Griffonier), c’est une entité a part. Mage donne pas mal de sous. L’UQAC aussi, moins sous forme de cash, mais elle achète de la pub dans le journal via le pavillon sportif, pis paye pas mal les rénos pis aussi du matériel des fois. Cette relation là entre CEUC et Mage est complexe. Jva pas en parler dans cette lettre là c’est impertinent à mon propos.

Grosso modo, une asso générale assez classique. Jusqu’à maintenant.

Perrine tu peux recommencer à lire ici. J’ai juste expliqué les structures de Mage.

Mais le fun est pas commencé. Parce qu’il manque encore une grande aile à cette organisation là. Ben grosse, ben importante. Pis a s’appelle Sage. Les Services des Associations Générales Étudiantes de l’UQAC. Sage, c’est la cafétériat, c’est la reprographie, la cantine, pis le bar. Dans l’entreprise privée, on appelle ça un klondike. Dans le milieu militant, c’est clairement un cancer.

C’est là que ça commence à chier Perrine. Pas yinc là, mais mettons que c’est un des trous qui remplit le plus la couche de marde. Une couche de bébé qui a juste bu du jus, genre. Du beau fouerra.

Sage, c’est compliqué. Jvoudrais ben expliquer clairement à tout le monde qui sait pas c’est quoi comment ça marche, mais selon la personne à qui tu demandes, t’a pas nécessairement la même réponse. Grosso modo, c’est un compagnie qui appartient à Mage. Mais pas pas tout à fait. Au Québec, les associations étudiantes, si elle veulent être accréditées, doivent être constituées en organisme à but non-lucratif (sûrement que ça s’appelle pu de même asteur). Faique, Mage pourrait pas être directement propriétaire de cette entreprise là, vu qu’elle n’est pas sensée “faire de l’argent”, mais ne veux pas avoir ces services directement dans ses structures, car si jamais ça allait mal, que c’était déficitaire, elle pourrait devoir couvrir les pertes avec les cotisations des membres. Ce qui serait de la marde, en effet. Faique une bunch de king pin de ses cossins d’entreprise là ont fait une patente compliquée, qui fait que Mage a droit de regard sur la gestion, qu’il peut engranger les surplus, mais jamais couvrir les pertes. Genre.

Sage, c’est gros. C’est plus que cent employés me semble. C’est assez gros pour vouloir protéger ses intérêts assez férocement. C’est une compagnie. Une corporation. C’est pas une coopérative dont tout les étudiants sont membres. C’est une structure hiérarchique. Des boss, des employés, pis du profit. C’est géré par un directeur général. Pis un directeur des ressources humaines. Pis un paquet de ptit boss. Cantine, caf, toute ! Pis tranquillement, tout ce paquet de patrons là a compris que la politique, “le chialage, pis les contestations”, c’était pas ben bon pour leurs affaires. Faique tranquillement, ils ont instauré des rencontre hebdomadaires avec des exécutants. Pis ils ont tissé des liens avec le staff de l’exécutif. Pis finalement ils n’ont pas de poste, mais certains sont quand même présents au CA de Mage. Direct dans les instances. Au point où des directeurs peuvent même faire des speech devant les employés en leur disant que leur syndicat sert à rien (oui oui, c’est arrivé) pis que Mage ne voit pas de contradiction avec ses supposées positions pro-syndicales. Que des actions de jam-fax (envoyer beaucoup de fax à une place, genre un député, pour être tannants) puisse faire l’objet d’un point au CA et être annulées par celui-ci. Que l’un des arguments invoqué par un des exécutants de Mage, c’est que si on bloque les portes pendant que Mage est en grève, la caf pourra pas ouvrir et que Sage pourrait perdre son contrat (!!!). Bref, le discours des patroneux est rentrée ben dur dans la marionnette de Mage. La politique, surtout celle de gauche, c’est pas bon pour les affaires.

La machine va chercher aussi les personnes qu’il faut pour y devenir exécutant. Des gens qui feront pas trop de vague. Ou en tout cas, qui feront pas grand chose de progressiste (finalement, pas grand chose du tout). Entre autres, des masculinistes. Un président qui dit “que le FN a pas tout faux”. Des gens qui ont des cartes du Parti Conservateur du Canada. Du monde qui se cherchent un job, tout court. Du monde pour qui “mettre des affiches sur les poteaux en ville, c’est pas un peu exagéré ?” Une présidente qui veut pas faire de sortie sur les prêts et bourses, “parce que ça va faire de l’ombre sur sa sortie pour avoir une garderie”. C’est ces exécutants là, pis le staff qui les entoure et qui reste tout de même là (qui ne doivent donc pas être tant insatisfaits que ça), qui forment les nouveaux. Certains n’ont aucune expérience. Pas qu’ils n’ont pas d’idéaux, pas d’esprit critique ou de libre arbitre, mais ils entrent dans une machine patronale. Pas une organisation syndicale. Pas une association étudiante. Faique ça donne ce que ça donne, de génération en génération.

Le patronat a vidé l’essence politique de Mage. J’aimerais, pour se faire, parler de CRISE. CRISE, c’est un acronyme qu’à peu près personne se souvient ce que ça veut dire. C’est un comité quelque part dans l’écosystème de Mage. Assez prêt que dans toute les avis de motions et résolution de Mage, y’a une case pour CRISE en haut, dans le cas où la dite résolution y serait rattaché. Mais Perrine, je sais que tu le sais, mais cherche pas la mention de CRISE nulle part sur le site de Mage. Le menu de la caf est partout, sur toutes les pages, mais CRISE, le plus gros compte de banque de Mage, lui, personne veut qu’on en parle. Finalement ce qu’on en a c’est toujours des rumeurs. Faique ce que je vais dire là, c’est à prendre avec des pincettes. Mais apparemment que MAGE, mais pas vraiment Mage, une autre de ses filiales, un peu comme Sage, mais qui ne sert qu’à ça, a un compte de banque, quelque part, avec plusieurs centaines de milliers de dollars. Ça sert à donner des bourses avec l’intérêt, me semble. Le chiffre que j’ai entendu le plus souvent, c’est 800 000. Ça fait probablement pas aucun criss de sens un gros montant de même. Mais en même temps, ça prend pas mal de cash pour générer des bourses qui ne sont pas dérisoires, à tout les ans, seulement avec l’intérêt. Mais, fallait compter les feuilles quand venait le temps de faire imprimer des tracts. Ça coûte cher les impressions. Pour le politique, faut être à la cent près. Même touche pas à mes t-shirts d’exécutif, pis fait pas la grève pendant le festival étudiant !

J’ai pas fini avec CRISE encore. En 2012, quelque part en avril me semble, c’était Pâques me semble ben, faique vers le 8 avril dans le fond, on a reçu une injonction de la part de l’UQAC. On était la première université à recevoir ça. M’a te dire, une chance que le reste du Québec regardait pas ce qu’on allait faire avec ça pour savoir quoi faire, parce que la grève étudiante de 2012 se serait terminé la semaine du 9 avril. On avait eu les injonctions le jeudi précédant, en début d’après-midi me semble. Y’avait pas de cours le vendredi (vendredi saint, you know) pis le mardi c’était le retour. On a eu 4 grosses journées pour préparer une stratégie. Au boutte de ça, la conclusion de Mage c’était que y’avait rien à faire. Fallait vivre avec. Certains se sont portés volontaires pour piqueter devant les cours des assos encore en grève, et le boutte que mage devait faire, c’est de payer les ticket ou le minimum de procédures judiciaires, le temps que tout le monde ne respecte pas les injonctions partout, et que tout ça tombe caduque. Mais non. “On a pas d’argent pour ça”. Si certains croit que la grève de 2012 s’est envolée sur 13 votes à Valleyfield, elle aurait très bien pu s’éteindre sur 25 000$ à Chicoutimi. Une chance, le monde sont pas cave de même partout. Après y’a eu St-Lau qui a eu une injonction aussi, pis qui ont massivement bloqué le cégep. Pis partout ailleurs (ou presque ein) on fait pareil pis finalement ça s’est pas fini là. Mais à l’UQAC, c’était pas mal fini. Même si ça a duré dans certains modules encore quelques semaines, les profs avaient peur, ils donnaient leurs cours même si plus de la moitiés des étudiants piquetaient dans le corridor (!!!). Tout ça pour une couple de milles. Que Mage avait.

C’est pas pour rien qu’on peut jamais rien faire avec Mage. Y’a des syndicats pareils à ça. C’est tout le temps “le droit de gestion de l’employeur”. C’est parce qu’on participe à une culture patronale. On gère nos affaires comme une business. Cherche dans le mouvement étudiant combien d’assos ont un passage dans la définition de ce qu’est une assemblée générale qui limite sa portée “sous réserve des pouvoirs qui lui sont octroyés par la Loi sur les compagnies”. Ben oui, toutes les assos y sont assujetties. La plupart s’en calisse. Parce qu’on est de nature syndicale. On est pas des compagnies. En principe, si on est une organisation démocratique, c’est pas sensé être le gouvernement qui décide ce qu’on est. En tout cas, y’a des limites à se trahir pour “bien exister” à ses yeux.

Pourquoi jte parle de tout ça ? Qu’est-ce que ça change ? Tout peux changer non ? Oui, mais non.

Je doute pas de tes bonnes intentions. De tes valeurs ou de ta drive. Je doute du nombre de calorie que tu peux dépenser dans cette organisation là. “It’s too damn high !” Tu changeras pas cette organisation là toute seule. Ni avec tes 3-4 chummeys sur l’exec, pis tes 9 amis dans des assos de module. Même si t’a paqueté 5 des 8 postes du CA.

Là on va rentrer dans la partie la plus subjective de ma lettre : la stratégie. Jt’invite à la critiquer. Pis si tu penses que j’ai pas raison, fait la tienne, jte regarde. De ma maigre expérience, de mes quelques lectures, et longues discussions sur le sujet avec des militants de multiples horizons, finalement ça prend 3 affaires pour gagner une lutte politique, du type “David contre Goliath”. Les bonnes idées, les bonnes valeurs, contre la grosse machine. Ça prend des ressources, du monde mobilisé, pis de l’audace. Pas mal sûr que t’as de l’audace en masse. On se connaît pas là, mais ça prend de l’audace en esti pour dire que y’a de quoi à faire avec Mage. Faique jpense que t’en a. Le monde, c’est plus difficile à calculer. Ça prend une équipe au coeur de tout ça, qui est prête à mettre du temps. Faire certains sacrifices. Se coucher tard pis se lever tôt. Classique quoi. Le nombre que ça t’en prend de ça, ça varie en fonction de l’envergure de ta campagne; pour changer Mage, si t’as placé ton monde comme je disais tantôt, pour une équipe centrale, c’est sûrement assez. Mais après ça, ça prend du monde qui sont prêt à t’appuyer. Pis là, ce monde là, sont nowhere to be found. Parce que c’est ben beau changer le mage avec une gang d’élite éclairée, mais à date, l’histoire nous raconte pas mal que c’est pas tant le best. C’est plus les fronts populaires qui marche. La mobilisation de masse. Pis on parlera pas des ressources. Vous en avez pas, ou presque. Pas de locaux, pas de cash, pas d’équipement. Au mieux, une quinzaine de laptop pis de cellulaires. Une imprimante laser feuille par feuille qui fait pas de recto-verso. Ton plan y’est mal parti.

Ça veut pas dire que ça pourra jamais changer pour autant. Ce monde là, placé dans une situation, dans un contexte politique où une grande partie des étudiants de l’UQAC se tournerait vers leur association étudiante pour se défendre, et qui n’y trouverait que ruines et désolation, oui, là t’aurais le monde que ça prend, les leviers pour utiliser les ressources de Mage pour le débâtir, mais c’est pas le cas présentement. L’avenir du festival étudiant est pas en jeu. La mobilisation générale est au plus bas.

Jpense que y’a plein de belles choses à faire pour la condition étudiante. La lutte pour le salaire minimum à 15$, le développement du transport en commun, le cheap labor que sont la plupart des stages, la lutte contre le racisme, le sexisme ou la transphobie, les luttes environnementales, bref, plein d’affaires. Mais perd pas ton temps au Mage. Laisse la chance au monde de profiter de ton énergie.

Perrine, reste pas là trop longtemps. Pogne pas le cancer du patronat.

Pierrot,
Belle-mère du mouvement étudiant, du Sag-Lac

P.S.  Y’a vraiment fucking plein de fautes.  Jva gérer ça plus tard.