Depuis sa création il y a maintenant 15 ans, l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ) nous a habitué-es à la projection d’une gauche étudiante unanime et de plus en plus lisse. L’Ultimatum, son organe de propagande, aura servi de véhicule aux lignes officielles de l’organisation, à la diffusion unidirectionnelle d’une pensée unique formulée par les directions successives de l’organisation. Les quelques tentatives d’en faire une plateforme d’animation d’un espace public oppositionnel ont été rapidement contrecarrées par la censure. Rien ne doit dépasser : un mouvement fort se doit de projeter l’image de l’unité et du consensus; aucune place pour la bien réelle diversité des tendances et pour le débat d’idées. Tout ce qui dépasse doit ou bien se ranger discrètement derrière les décisions au provincial, ou bien déserter le mouvement, ce que beaucoup ont hélas fait.

Dans ce contexte, l’apparition spontanée de Printemps 2015 et d’une multitude de groupes féministes sur les campus ces dernières années n’est pas surprenante pour la plupart d’entre nous. L’ASSÉ n’a pas su stimuler ni s’ajuster à l’effervescence qui a suivi la grève de 2012, à la diversité des tendances en processus d’organisation et à l’affrontement de multiples  visions dans le mouvement. Il n’y a qu’à constater le décalage entre la pluralité et le tranchant des points de vue exprimés dans le recueil de textes du congrès d’orientation de 2013 et le contenu des numéros de l’Ultimatum publiés depuis. Pour le dire autrement, l’ASSÉ a, depuis quelque temps, affaire à un retour du refoulé et pour qu’il ait voix au chapitre, il est temps pour l’ensemble de la gauche étudiante de se doter d’un journal à son image: plurielle.

Notre objectif pour ce faire est de produire un outil de diffusion qui dépasse le cadre du simple journal ou d’un site Web statique. Nous croyons qu’il faut dépasser les formules habituelles dans lesquelles le mouvement étudiant s’encrasse depuis des décennies et se rapproprier nos médias. Après tout, ce sont les médias étudiants qui ont créé les associations étudiantes, pas l’inverse, et l’existence conjointe de médias et d’associations fortes ne peut que nous être bénéfique à long terme. C’est pourquoi le fait de pouvoir commenter, débattre et se questionner serait au coeur de la forme de cette plate-forme: il est important que le mouvement étudiant se munisse d’un organe de diffusion aussi vivant et éclaté qu’il l’est lui-même. Nous voudrions concentrer l’information sur une plate-forme Web indépendante à laquelle seraient intégrées des sections au sujet de différentes thématiques. Cela permettrait en outre la production de compilations papier de textes en fonction de l’actualité ou de certains thèmes pour distribution locale.

Le choc des idées

Le mouvement étudiant a grandement besoin d’un journalisme qui sache incorporer le choc des idées, et se doit d’abolir celui où les grandes idées choquent. Nous sommes en effet d’avis que de nier l’existence de telles tendances, sous prétexte que cela nuirait à l’unité du mouvement ou bien que l’ASSÉ est une démocratie directe et que les tendances des élu-es n’ont donc qu’un pouvoir marginal, est un leurre qui contribue fortement à l’apathie et au centralisme observés dernièrement. Après la disparition du forum externe (2009) et la fermeture du groupe Facebook de l’ASSÉ (2015), les quelques débats qui ont voulu être apportés sur la liste de diffusion courriel ASSÉ-support, dernier lieu d’échange “non contrôlé” au sein de l’ASSÉ, ont été, et sont toujours, complètement marginalisés; encore et encore, “ce n’est pas l’endroit pour avoir des débats”. Eh bien puisqu’il le faut, cet endroit, nous le créerons en dehors de l’ASSÉ.

Éviter le choc des tendances qui s’assument au lieu de manoeuvrer en coulisses et vouloir projeter à tout prix cette fiction loufoque d’une unité politique étudiante à laquelle personne n’a jamais cru, sous prétexte de respecter les stricts mandats de l’organisation, font de l’Ultimatum une véritable Pravda: un journal terne, prétentieux et autoritaire, aux antipodes d’un digne mouvement étudiant combatif. Il est faux de dire que toutes les associations membres (et d’autant moins leurs propres membres!) composant l’ASSÉ forment une masse homogène, avec les mêmes intérêts, les mêmes mandats, les mêmes luttes. Chaque association étudiante a une “personnalité” unique, découlant essentiellement des militantes et militants s’y impliquant d’hier à aujourd’hui, mais aussi de leurs enjeux locaux et régionaux. Voilà pourquoi l’ouverture à des textes à différentes tendances de gauche et idées politiques donnerait à un nouveau média étudiant tout un dynamisme, se faisant du même coup un reflet nettement plus juste des débats qui traversent le milieu étudiant dans son ensemble.

Démontréalisons nos médias

Comme l’équipe provinciale de l’ASSÉ est dominée plus souvent qu’autrement par des universitaires résidant à Montréal y compris au comité journal et qu’une remise en question de sa ligne éditoriale ou de ses méthodes est exclue d’emblée, il est impossible de voir dans le contenu de l’ASSÉ une production fidèle et utile pour l’ensemble du mouvement étudiant québécois. Nous croyons que la création d’espaces d’information régionale stimulerait beaucoup la réflexion et encouragerait les étudiant-es de partout qui ne sont pas portés ou, plutôt, qui n’ont pas la chance de le faire à cause de la structure actuelle des médias étudiants, à produire du contenu, textuel ou non. Ainsi, chaque région participante bénéficierait d’un espace où transmettre et discuter d’enjeux locaux et régionaux. En plus d’encourager la participation, la communication entre régions s’en verrait également accrue: connaître les réalités de nos camarades de différentes régions peut nous permettre de nous trouver des allié.e.s, et ainsi s’unir pour lutter sur certains enjeux invisibilisés au sein du mouvement étudiant. Si les conseils régionaux se dotaient d’une plate-forme de diffusion d’informations indépendante de celle offerte par les organisations étudiantes provinciales, l’exposition fréquente de toute la diversité d’enjeux d’intérêt pour notre mouvement constituerait toute une force en faveur de la décentralisation de l’information et d’une bien plus grande diffusion des revendications et des idées de chacun-e.

Un médium avantageux

Un mouvement de masse comme le nôtre doit tenir compte des transformations des dernières années dans les médias si l’on souhaite conserver notre capacité à rejoindre la base étudiante. Du contenu s’offre à nous sur le Web dans des quantités toujours plus grandissantes et toujours plus rapidement; le Web est devenu le média d’information le plus important pour une grande partie de la population, dont les étudiant-es. Par ailleurs, si quelques associations se sont montrées heureuses d’avoir beaucoup de journaux à distribuer, d’autres ont mentionné à plusieurs reprises le manque d’efficacité du journal imprimé, se retrouvant souvent avec des boîtes de centaines d’exemplaires de l’Ultimatum abandonnés soit par manque d’intérêt des militant-es, soit par manque de convivialité pour la base étudiante. C’est pourquoi moins miser sur les solutions papier (réduire le tirage et le nombre de parutions) au profit d’une nouvelle plate-forme Web nous permettra de partager de l’information rapidement et de rehausser la capacité de diffusion de contenu original et de qualité (et non pas simplement repartager des articles issus des médias de masse en y ajoutant des slogans) à moindre coût et d’une façon plus soucieuse de l’environnement.

Des idées innovatrices

L’avenir des médias étudiants réside dans notre capacité à s’inspirer des nouvelles technologies, mais aussi de la conjoncture politique pour re-dynamiser les voix étudiantes déterminées à agir. Une plate-forme web ouvrirait une multitude de possibilités pour le mouvement étudiant. En voici deux exemples.

  • La plate-forme servirait de relais d’informations, mais aussi d’organisation. Les événements tels que les projections, conférences, formations et panels sont nombreux et il est souvent compliqué de s’y retrouver surtout, lorsqu’on ne se tient pas proche du milieu militant. Il serait intéressant d’ajouter un calendrier interactif par région, où toutes les activités formatives issues de la gauche seraient regroupées.

  • Nous pourrions aussi développer la culture du partage de connaissance en produisant des enregistrements vidéo lors des instances, des conférences et des ateliers de formations afin de les mettre en ligne sur la plate-forme web. La démocratisation des informations et de la formation, par la diffusion sur le web, permettrait une plus grande égalité entre les militant-e-s de partout au Québec.

Ces idées sont en cours de développement, et il est nécessaire de mettre à contribution toutes nos compétences afin de dépasser toutes les limites que le mouvement étudiant s’est imposées au cours des dernières années. Le fonctionnement de ce médium serait ouvert, avec une implication ponctuelle ou à long terme, mais surtout vivant et inclusif. N’en tienne qu’à nous de produire des textes, des vidéos, des réflexions, des débats et surtout de rendre nos médias dynamiques; de rendre nos médias à notre image.

Il est essentiel pour la pérennité du projet que les gens s’y impliquant proviennent de partout au Québec. Si des gens veulent contribuer à la création de la plate-forme, n’hésitez pas à écrire à l’adresse suivante: plateformemediaetu@gmail.com

Sarah Amahrit (AESS-UQAM)
Thierry Beauvais-Gentile (SECMV)
Zoé Bellehumeur (SECMV)
Alice Brassard (SECMV)
Rainari Castro-Meija (SECMV)
Jadd-Abigael Céré (AGEECJ)
Jérémie Cholette (AGECVM)
Alex Chrysagis (AESS-UQAM)
Xavier Condomines (AGES)
Jasmin Cormier-Labrecque (AFÉA-UQAM)
Sophie Dansereau (SOGÉÉCOM)
Dorian Desjardins-Leclerc (AGECVM)
Félix Dumas-Lavoie (SECMV)
Samuel Dupuis (AGEFLESH)
Joëlle Dussault (AFESH-UQÀM)
Chanel Fortin (SECMV)
Jean-Christophe Gascon (AFESH-UQAM)
Carl Gosselin (AGECVM)
Sami Haiouani (AGEFLESH)
Laurent Hotte (AFESH-UQAM)
Pierre-Luc Junet (GSA)
Hélène Laramée (AGEFLESH)
Vanessa L’Écuyer (AFESH-UQAM)
Louis-Thomas Leguerrier (AELCUM)
Gabrielle Morin-Rochon (AECSL)
Samuel Nolet (SECMV)
Amélie Poirier (AFESH-UQAM)
Ariane Renaud (SECMV)
Valérie Simard (ADEESE-UQAM)